
Depuis cinq ans, Carlotta « manifeste tous les jours » pour l’accessibilité, dans son quartier du XIème arrondissement de Paris. (©SL / actu Paris)
Son terrain de « jeu » n’est pas très grand, entre son domicile gare de Lyon et son atelier du XIe arrondissement de Paris en passant par Bastille.
Peu importe, Carlotta, illustratrice atteinte de la maladie de Charcot, le sillonne en scooter électrique et distribue bons et mauvais points aux commerçants et véhicules, selon s’ils facilitent ou non son accessibilité. « Une aventure au quotidien. »
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« Ça m’exclut de plein d’endroits »
« S’il y a plus de trois centimètres, je ne peux pas rentrer », explique Carlotta, Charlotte Chesnelong de son vrai nom. Autour de la rue de la Main d’Or, où elle a son atelier d’illustratrice, la quasi-totalité des commerces a une marche à l’entrée et pas de rampes. « Ça m’exclut de plein d’endroits, pareil chez le dentiste ou chez le médecin », soupire la femme âgée de 60 ans, malade depuis huit ans.
Face à ce constat, elle a décidé d’agir… avec humour. Profitant de son talent de dessin, elle a créé des stickers : un rose et un jaune, les bons et les mauvais points. Dessus, une souris sur un scooter électrique et pour les mauvais points, un message : « Inaccessible, pensez-y ! »
Elle les distribue autour de son travail, quand elle se balade, en les collant sur les devantures :
C’est une souris, parce que je souris tout le temps, c’est mon arme principale.
La seule compréhensible par tous, la maladie l’ayant progressivement privée de sa mobilité et de son élocution. Neurodégénérative, la maladie touche les neurones et conduit à la paralysie. « Des fois on vit trois mois, d’autres fois 30 ans », résume Carlotta.

« Quand je regarde les gens dans la rue, je souris, donc ils sourient », appuie Carlotta. Une manière de faire oublier sa différence. (©SL / actu Paris)
Certains promettent de « réfléchir »
Elle a commencé cette mission il y a cinq ans, « avec parcimonie » : seulement une centaine de stickers collés. C’est devenu un jeu, pour elle comme pour les commerçants visés. Ils l’aident à placer l’autocollant sur leur vitrine, ce qu’elle ne peut pas faire seule car affaiblie par la maladie.

S’exprimant difficilement, Carlotta fait comprendre aux commerçants qu’ils doivent coller le mauvais point qu’elle leur attribue sur leur vitrine. (©SL / actu Paris)
Certains promettent « de réfléchir » à l’installation d’une rampe, d’autres balaient l’idée : « pas prévu », « trop cher ». Quand elle part, ils arrachent le mauvais point…
Depuis cinq ans, « rien n’a changé », soupire Carlotta, convaincue que « ça les emmerde de faire ça pour une seule personne ». Même si la loi oblige les commerces à être accessibles, « elle est trop difficile à appliquer » et les dérogations nombreuses. « Ce qui m’énerve, c’est quand c’est un nouveau commerce », maugrée-t-elle.
On est en 2019, ça devrait être normal, mais ils s’en foutent !

Habitante dans le quartier depuis 30 ans, Carlotta le connaît par coeur. Elle est aidée par certains commerçants, même certains auxquels elle donne des mauvais points. (©SL / actu Paris)
« Je manifeste tous les jours, à ma façon »
Pourtant, Carlotta n’est pas résignée : « Je sais que ça ne changera pas, mais je veux le faire pour le symbole », dit-elle. Seule dans sa mission, sauf quand elle est accompagnée des apprentis qui travaillent avec elle, la sexagénaire continue sa « pédagogie active ».
Laquelle ne se limite pas à coller des stickers. Parfois, elle stoppe son scooter électrique face à un commerce inaccessible et ne bouge pas, façon désobéissance civile. « Je manifeste tous les jours, à ma façon, ça me défoule », explique-t-elle en souriant. Quand un piéton scotché sur son téléphone marche vers elle, Carlotta accélère :
Ça leur fait peur et ça les oblige à faire attention aux autres, j’adore !
Cette « énergie à revendre », c’est ce qui lui reste de ses années punk, quand elle était jeune. Son fait d’armes préféré, c’est quand elle a collé un mauvais point à une voiture de police mal garée. Elle va continuer sa bataille, en réimprimant des stickers, mais aussi avec des pochoirs que son fils a confectionnés. Ces petites actions lui permettent de garder son « mental de sportif de haut niveau ».

Quand elle attribue un bon point, les commerçants le garde sur leur vitrine. (©SL / actu Paris)