
Gaston Marcel fut tué pendant les combats de la Libération. (©DR)
Gaston Buy est arrivé à Saint-Malo avec sa femme Olga et son plus jeune fils Jacques en 1941. Son fils aîné Gaston Marcel, les a rejoints en 1944. Il avait 18 ans. Le père et le fils, entrés en contact avec la résistance locale, se sont mis au service des Américains quand ceux-ci sont arrivés dans Saint-Malo, début août 1944. Ils les ont guidés pour libérer la ville et vont participer au premier assaut sur la cité d’Alet dans la nuit du 11 août. Gaston Marcel, comme de nombreux soldats américains, sera tué. Son père, grièvement blessé, parviendra à s’en sortir.
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Ce dernier a longtemps gardé pour lui des souvenirs de ce tragique épisode. Mais dans les années 70, il s’est confié à son tout jeune petit-fils, Pascal. Celui-ci nous a donc raconté ces détails, avec l’aide et les recoupements effectués de son côté par le Malouin Roland Mazurié des Garennes.
Un souvenir enfoui
« C’était des choses qu’il n’avait jamais dites. Il me les a racontées alors que nous étions ensemble, quand j’étais petit, dans les années 70. Il m’a dit comment était mort Gaston Marcel, que tout le monde appelait alors dans la famille le petit Gaston », raconte Pascal Buy.
Le 11 août 1944, Gaston Buy et son fils accompagnent une troupe américaine sur la cité d’Alet. Cet épisode est connu. Les soldats américains parviennent sans encombre jusque dans la cour du fort. Bizarrement, les Allemands n’avaient pas tiré.
« Il faisait nuit, ils étaient environ une centaine de soldats. Mon grand-père a alors dit aux Américains : « Laissez nous faire, on va boucher les bouches d’aération et y mettre le feu ». Mais les Américains ont refusé car ils estimaient que cela n’était pas conforme à certaines règles de la guerre ».

Pascal Buy et sa fille entourant Roland Mazurié des Garennes devant la plaque à la mémoire de Gaston Buy et son fils Gaston Marcel au fort de la Cité d’Alet. (© Le Pays Malouin)
Ce qui est sûr, c’est que les Américains, eux, sont bel et bien tombés dans un piège. « Les Allemands les attendaient. Un signal a été lancé, et l’artillerie de Cézembre a ouvert le feu sur Alet. Depuis les blockhaus du fort, les défenseurs ont tiré au mortier et à la mitrailleuse », indique Roland Mazurié des Garennes. La troupe américaine s’est retrouvée sous un déluge de feu et les pertes furent effroyables.
Il reste couché avec le corps de son fils sur le dos
Pascal Buy poursuit :
« Mon grand-père a reçu un éclat de mortier dans la hanche gauche. Il est tombé. Gaston Marcel, qui s’était couché, s’est alors levé pour aller auprès de lui. C’est là qu’il a été fauché par une rafale de mitrailleuse. Il est mort sur le coup et est tombé sur le dos de mon grand-père… Lui, est resté un très long moment comme cela, avec son fils mort sur le dos. »
Ce détail tragique était jusqu’ici méconnu. On comprend pourquoi. Un tel souvenir devait être particulièrement difficile à évoquer pour Gaston Buy.
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Il a aussi raconté à son petit-fils une partie de la suite des événements. « A l’aube, il a décidé de partir. Il m’a dit qu’il s’était traîné jusqu’à l’eau ». On imagine que Gaston Buy, blessé donc, a rampé jusqu’aux Bas Sablons, sans doute au niveau de l’actuel port de plaisance, et qu’il est parvenu à se jeter à l’eau. « Juste à ce moment, alors qu’il venait d’entrer dans l’eau, une patrouille allemande l’a repéré. Il ne s’est pas arrêté, alors ils lui ont tiré dessus ». Plusieurs balles vont lui traverser le corps. Neuf impacts en tout… Malgré cela, Gaston Buy est parvenu à s’enfuir. « Il est arrivé un peu plus loin sur la plage des Bas Sablons, où il a été secouru par une patrouille américaine ».
La suite de l’histoire a été reconstituée par les recherches de Roland Mazurié des Garennes :
« Il a été transporté dans l’hôpital de campagne local, puis à Rennes. Plus tard, il a été évacué en Angleterre ».

Gaston Buy. (© DR)
Le corps Gaston Marcel ne fut retrouvé qu’en 1962
En attendant, sa femme et son plus jeune fils, qui s’étaient réfugiés dans un abri à Saint-Servan, n’avaient reçu aucune nouvelle. « Ma grand-mère les a cherchés pendant des mois », confie Pascal Buy. « Ce n’est que fin février 1945, qu’une dame de la Croix Rouge de Rennes va apprendre à Mme Buy que son mari était vivant en Angleterre », signale Roland Mazurié des Garennes. Le corps de son fils, Gaston Marcel, ne fut retrouvé qu’en 1962, lors de fouilles sur le site d’Alet.
Son nom et celui de son père figurent sur une plaque dans l’enceinte du fort d’Alet et une rue, l’allée Gaston Buy, père et fils, située en contrebas de la cité, célèbre aussi le souvenir de ces deux héros de la résistance et la libération de Saint-Malo.
N.E.