
Victime d’une agression il y a un peu plus d’un an, le sapeur-pompier chaurien Wenceslas François souhaite que justice lui soit rendue.
Il y a un an et un mois, le 31 mai 2018, Wenceslas François, sergent-chef au centre d’incendie et de secours de Castelnaudary, dans l’Aude, a été agressé par la personne qu’il était en train de secourir.
Blessures à l’orbite droite et à la base du nez, plaie suturale, incapacité temporaire de travail de 18 jours, préjudices moral et financier, suivi psychologique, cauchemars incessants… Le bilan est lourd et un an après, la colère est toujours présente chez le pompier.
Ces dernières semaines, d’autres agressions de pompiers ont eu lieu en France.
Lors d’une intervention sur l’autoroute A9 pour un accident de la circulation, un conducteur impliqué dans un accident a agressé verbalement et physiquement l’équipage des sapeurs-pompiers de Lunel (Hérault). L’homme vient d’être condamné.
Mais ce n’est pas le cas à chaque fois…
Une agression gratuite
Ce jour-là, Wenceslas François et ses équipiers sont appelés pour prendre en charge un homme en souffrance psychologique. Celui-ci doit être conduit jusqu’à l’hôpital Purpan de Toulouse, dans le département voisin de la Haute-Garonne. Une mission que vont assurer les pompiers de Castelnaudary.
Le trajet se déroule sans le moindre problème. Arrivés sur place, les pompiers fument même une cigarette avec l’homme en question. C’est au moment de laisser ce dernier aux mains du personnel du centre hospitalier, que l’incident survient.
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Les pompiers lui annoncent qu’ils doivent partir. L’homme – d’apparence très calme jusque-là – s’élance alors sur Wenceslas François. Il lui assène un violent coup de poing au visage. Blessé, le sapeur-pompier doit être pris en charge pour une plaie ouverte.
« Je pourrais laisser tomber… »
Depuis son plus jeune âge, le sapeur-pompier voue une passion à ce métier. La volonté d’aider les autres l’a poussé à concrétiser son rêve. Pompier volontaire depuis 2007, Wenceslas François, 33 ans, est désormais chef d’engin.
Il fait partie des 100 soldats du feu du centre de secours de Castelnaudary. Mais cette agression l’a parfois poussé à se questionner sur son avenir :
Démissionner, ça m’a traversé l’esprit mais il faut passer outre et avancer. Mais si je devais être une fois encore agressé, je pourrais laisser tomber…
Un dépôt de plainte resté sans suite
À la suite de son agression, Wenceslas François a porté plainte contre son assaillant.
Un an et un mois après, rien n’a changé. J’en ai marre… Il y a des campagnes de communication sur les agressions de pompiers mais ça me fait doucement rire car la justice ne fait rien.
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Le pompier refuse pourtant d’abandonner et confie avoir entamé de nombreuses démarches pour obtenir gain de cause :
Je viens d’envoyer deux courriers, aux procureurs de la République de l’Aude et de la Haute-Garonne. J’espère au moins avoir des réponses.
« Je le fais aussi pour mes collègues »
Il explique surtout que s’il a décidé de poursuivre son combat, il ne le fait pas seulement pour lui :
Ce témoignage, c’est aussi pour mes collègues. Une semaine après les faits, il y a eu une agression au couteau dans une ambulance à Castelnaudary. Tout le monde en a assez ! Si une personne dans l’exercice de ses fonctions est agressée et que l’on n’en tient pas compte, qu’en sera-t-il de la personne lambda quand ça lui arrivera ?
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Aujourd’hui, il ressent à la fois dégoût, désarroi et surtout colère. Depuis cette agression, maintes choses ont changé dans son quotidien de pompier. Quitte à ce que cela soit parfois au détriment de la personne à secourir :
Sur le terrain, je prends beaucoup plus de précautions. On psychote jusqu’à surévaluer la situation pour être plus prudent… Et on en est donc parfois à laisser les individus sur place s’il n’y a pas assez de personnes mobilisées. On n’a pas le choix car le risque est là.
« Les agressions, c’est notre quotidien »
D’après l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), le nombre d’agressions déclarées par les sapeurs-pompiers a triplé en dix ans. Un bilan inquiétant que déplore le soldat du feu :
Alertes, crachats, insultes, ambulances endommagées, guet-apens… C’est malheureusement devenu notre quotidien.
En témoigne aussi l’apparition dans la formation des soldats du feu, de sessions de sensibilisation aux conduites à adopter lors d’agressions ou de situations difficiles. Le pompier confie :
Une intervention sur dix donne lieu à une contrainte entre le pompier et la victime, telle qu’une insulte. On est devenu le punching-ball du système de santé. On paie la précarisation des systèmes : appeler les pompiers quand on est en situation de difficulté, ça devient la facilité.
Il incite les pompiers dans son cas à porter plainte
Wenceslas François ne conteste pas cependant certaines améliorations entrevues depuis peu. « Sur 100 appels, dix ambulances sont envoyées. Il y a un tri qui s’effectue de plus en plus », constate-t-il. Mais les mentalités ont également changé d’après le pompier :
Les rapports avec les habitants ne sont plus les mêmes. La sympathie à notre égard s’est considérablement affaiblie.
En médiatisant son combat, Wenceslas François veut faire avancer les choses :
Je veux que les gens se rendent compte des problèmes rencontrés et de la réalité du terrain. Je veux inciter mes collègues à se battre et aller porter plainte pour obtenir justice car aujourd’hui beaucoup préfèrent laisser tomber en pensant qu’il n’y aura pas de suite… Il faut un exemple. Je veux que mon agresseur paye. Je ne suis pas quelqu’un qui pardonne.
Lisa Hervé