
Le Monterelais a tourné avec Vincent Cassel et Reda Kateb (©Carole Bethuel)
Dans le film Hors normes, il campe le rôle de Dylan, l’éducateur d’un jeune autiste. Bryan Mialoundama, jeune rappeur de Montereau-Fault-Yonne, veut sortir de l’anonymat grâce à ce premier long-métrage tourné aux côtés de Vincent Cassel et de Reda Kateb. Rencontre.
Le rendez-vous était fixé à 13h, à Surville, dans ce quartier prioritaire de Montereau-Fault-Yonne. Une ville dans la ville. La rue draine son lot de mamans en poussette et son défilé de voitures. Pendant les vacances, les jeunes ré-investissent les lieux, se rencontrent sur la place histoire de tuer le temps. Le temps qui s’écoule tranquillement…
Mais où est Bryan ? Il est 13h35 et, comme son personnage dans le film, pas de nouvelle du jeune homme. La réalité qui dépasse la fiction. Et puis, un sms : « Je descends, désolé pour le retard ».
Qu’on ne se méprenne pas. Ce n’est pas que Bryan Mialoundama se prend déjà pour une star. Non, l’acteur émerge. Il apparaît enfin, la démarche chaleureuse mais les yeux bouffis par le sommeil, le regard amical, la tête dans le coton après une bringue mémorable.
« On a fêté le succès du film hier soir », s’excuse le garçon, en prenant la direction du square Beaumarchais, « un endroit symbolique » puisque c’est ici qu’a été tourné son clip « La Moula ». Hors normes s’affiche, en effet, en tête du box-office, avant Abominable et Terminator, dès le premier jour de sa sortie.

Bryan entouré des réalisateurs et de sa famille lors de l’avant-première organisée à Carré Sénart (©VR)
Une revanche
Alors, il est fier, Bryan Mialoundama, la casquette retournée, le survêt coloré et les Air Max aux pieds. Normal. Le rappeur qui a fêté ses 18 ans sur le tournage, le 14 novembre, le jour de la scène sur le périph’, savoure son succès.
Mon téléphone n’arrête pas de sonner, c’est de la folie ».
Personne n’est condamné à l’échec, il la connaît la chanson. La preuve. Le Monterelais a su menotter les préjugés pour les mettre au trou. Définitivement ? Il l’espère.
En tout cas, ces premiers pas dans le monde du cinéma, devant les caméras d’Eric Toledano et d’Olivier Nakache – les réalisateurs d’Intouchables -, fait un puissant doigt d’honneur à ceux qui le croyaient perdu.
« Ce film, c’est une belle revanche envers mes professeurs qui, à l’époque, me disaient que je n’allais pas m’en sortir, que j’allais rester dans le quartier à vendre et à fumer de la drogue, raconte-t-il. Mais je ne les ai jamais écoutés. Ils avaient tort. » Résultat : repéré sur internet par une directrice de casting grâce au groupe VH Gang, il est finalement sélectionné parmi une centaine de candidats. Personne n’est à l’abri du succès, pas même quand on grandit dans une cité du sud77.
Bryan’n the Hood
Ne rien lâcher, tel est le leitmotiv de ce Seine-et-Marnais obstiné. Bryan se trace un destin qu’il veut extraordinaire. A 8 ans, il se voit déjà en haut de l’affiche, à rapper avec ses frères, dans un coin de sa chambre, entre l’entraînement de foot et la sortie de l’école. L’école Clos Dion au bout de la rue. A l’époque, dans les enceintes de la famille Mialoundama (une fratrie de sept frères et sœurs), Booba, Rohff et 130A. Mais c’est surtout Sexion d’Assaut qui lui donne envie de percer dans la musique.
Un père agent de maintenance chez Eiffage, une mère employée dans un CFA. Le sport, la musique, le lycée. Bref, le quotidien ordinaire d’un banlieusard à l’aise dans son époque. Mais Bryan rêve en grand. Biberonné à La Haine et à Boyz’n the Hood, c’est décidé, il sera acteur. « Quand je regardais des films, je me disais pourquoi pas moi », se souvient-il, interrompu par deux riveraines réclamant un selfie.
« Oh la star », s’écrit Skarla, un membre de VH Gang, avant de lui adresser une accolade.
« Depuis les avant-premières, les gens m’arrêtent pour une photo, c’est grave cool !, se réjouit Bryan. Je suis fier d’être né à Surville. La première force, c’est le quartier. Tout le monde me soutient ici. »

Bryan tire sa force du quartier (©VR)
En clôture du Festival de Cannes
Alors, le jeune homme ne regrette pas d’avoir abandonné son BTS maintenance industrielle, une filière qui l’ennuie . « Quand la directrice de casting m’a rappelé pour me confirmer que j’étais pris, je n’ai rien dit à personne. Tant que le projet n’était pas vraiment terminé, je ne voulais pas en parler ». Il ment même à ses parents. « Je leur faisais croire que j’étais à mes cours à Nanterre alors que j’étais en train de tourner le film. »
Si Bryan n’a jamais pris de cours de théâtre, le tournage dépasse toutes ses espérances. « Eric Toledano et Olivier Nakache m’ont tout de suite mis à l’aise. Ils arrivent à faire comme si on était une famille. A tel point, qu’à un moment, j’ai même oublié que c’était un film, que je n’étais pas éducateur. Du coup, j’étais intrigué par mon rôle aux côtés des autistes, je partais au feeling. C’est ça qu’ils recherchaient. »
C’est vrai qu’elle réside là, la magie de Hors normes, dans cette frontière floue entre le réel et la fiction, à la limite du documentaire. Une réussite qui conduit le film en clôture du Festival de Cannes. « C’était é-nor-me ! Quand on m’a dit que j’allais à Cannes, j’ai lâché le téléphone. C’est Eric Toledano en personne qui me l’a annoncé. J’étais comme dans un rêve, j’ai croisé Stallone, Selena Gomez, Brad Pitt… »

(©DR)
Alors, le cinéma ? C’était son « shidour ». Et Bryan a bien l’intention de lui être fidèle. « Vincent Cassel m’a conseillé de continuer. Il m’a dit qu’il y aurait toujours des jaloux et des obstacles pour me freiner mais que je ne devais pas arrêter, que j’avais du talent. »
Et de poursuivre, lucide : « Maintenant que j’ai un pied dedans, le plus dur va être d’y rester. »
Vanessa RELOUZAT
@VanessaRelouzat