
Véronique Méheust, conseillère départementale (archives).
Vous avez dénoncé le fait que L214 perçoit une subvention d’ 1,14 million d’une association américaine. En quoi cela vous gêne-t-il ?
Cet argent contribue à déstabiliser notre modèle agricole puisque L214 le remet en cause continuellement. Gérard Larcher a même ajouté que les aides américaines représentaient, en réalité, une centaine de millions d’euros et que les associations qui les percevaient étaient manipulées. Je suis donc intervenue en tant qu’élue municipale (de Pleudihen) et conseillère départementale de Lanvallay pour défendre notre modèle agricole.
Que reprochez-vous à L214 ?
Je suis pour le bien-être animal. Mais chez L214, il y a le fond et la forme. Comme les autres associations antispécistes, elle leurre les citoyens. Certes, elle dénonce de mauvais comportements avec ses vidéos, mais ceux-ci sont marginaux. Cette communication trompe les Français : elle ne reflète pas la réalité du monde agricole qui a fait beaucoup d’efforts ces dernières années. La taille des cages dans les élevages avicoles a évolué, les normes appliquées vont au-delà des exigences européennes. Parallèlement, de nombreux végans se radicalisent. Qu’on réfléchisse à diminuer la consommation de viande pour l’environnement, certes, mais n’oublions pas le poids économique que cela représente et les humains que cela fait vivre. La production française alimente aussi l’Europe et le monde.
Mais vous pensez que les végans ou végétariens, minoritaires, puissent être si influents ?
Je n’accepte pas que des minorités imposent un courant de pensée à des millions de gens. On ne peut pas mettre l’animal et l’homme sur un pied d’égalité comme le prétendent les antispécistes. Il ne faut pas oublier que l’homme, par nature, mange de la viande. De nombreux vegans sont carencés.
L214 a aussi été attaquée parce que la fondation américaine qui lui a accordé une aide financerait aussi des start-up qui travaillent sur le concept de viande artificielle. Qu’en dites-vous ?
Je suis opposée à la viande artificielle mais je ne veux pas rentrer dans le débat. Juste dire que ces produits peuvent conduire à la destruction de notre système agricole.
Vous avez été candidate de chasse Pêche Nature et Tradition avant de rejoindre le mouvement Les Républicains. Vous avez rouvert la forêt d’Avaugour à la chasse à cour et L214 vous avait épinglée pour cela. Votre différend avec L214 ne serait pas nouveau ?
Ne mélangeons pas les questions de chasse – que je pratique effectivement – avec ce sujet. Mais c’est faux, ce n’est pas moi qui ai rouvert la forêt d’Avaugour à la chasse à courre. C’est une information relayée par de nombreux médias qui n’ont jamais accepté mes démentis. La chasse à courre était déjà autorisée dans ce massif avant que je ne sois élue départementale (1). Je précise cependant que la chasse à courre n’y est pratiquée que quatre jours par an.
En tant que chargée de l’environnement au conseil départemental, avez-vous rencontré des végans pour évoquer toutes ces questions ?
Je n’ai pas d’échanges avec les vegans ou les végétariens car leurs propos sont agressifs à mon égard. Je veux bien échanger mais dans un contexte apaisé car je suis contre les extrêmes. Je suis consciente qu’on doit aller vers une agriculture de plus en plus raisonnée et respectueuse de l’environnement. C’est ce à quoi tendent de nombreux agriculteurs. Mais il ne faut pas nous faire croire que le monde sera meilleur sans exploitation animale.
Puisque vous dites que c’est bon pour l’environnement et soucieuse du bien-être animal, avez-vous diminué votre consommation de viande ces dernières années ?
Je ne mange pas de viande tous les jours, loin de là.
(1) Le conseil départemental vote chaque année depuis 2015, un droit de démarrer une chasse à courre dans ce massif. La précédente convention autorisait le fait de finir une chasse à courre dans le massif.
Lire à la suite de cette interview, les réponses point par point, faites par Sébastien Arsac, de L214
L214 répond : « Ce sont des attaques pour nous décrédibiliser »
Sébastien Arsac cofondateur de L214 (©DR)
Sébastien Arsac, de L214, répond aux propos tenus par Véronique Méheust et Gérard Larcher à l’égard de son association, qui se dit transparente sur ses finances.
Les associations de défense des animaux toucheraient des centaines de millions d’euros des Américains et seraient manipulées. Qu’en dites-vous ?
Fantasme. On veut décrédibiliser notre association. Nous avons effectivement perçu 1,114 million d’euros d’ Open Philanthropy Project. Cette fondation finance de nombreuses associations humanistes ou militant pour le bien-être animal. Nous sommes instrumentalisés ? Alors les associations américaines qui perçoivent également ces aides, le sont aussi. Dès lors en quoi serviraient-elles à déstabiliser le modèle agricole français ? D’autre part, l’élevage français n’a pas besoin de nous pour se saborder : il est sous perfusion.
A quoi sert l’argent que vous avez perçu de cette fondation américaine ?
Open Philanthropy Project a choisi de nous aider après une évaluation de notre action, selon le concept de ‘l’altruisme efficace’. Nous figurons, au niveau mondial, dans le rang des 12 associations les plus prometteuses. Nous avons proposé de consacrer cette somme, sur deux ans, à une campagne en faveur des poulets : 800 millions sont abattus en France, chaque année et 83 % relèvent de l’élevage intensif : 20 à 22 poulets au m2, abattus au bout de 35 jours alors que dans les années cinquante, ils vivaient quatre fois plus longtemps. Nous voulons faire adhérer les industries agroalimentaires, les producteurs, la distribution à une charte pour de meilleures conditions d’élevage des poulets. Certaines marques ont commencé à signer. Notre subvention nous aidera aussi à développer une végétalisation de l’alimentation dans les campus.
Vous considérez-vous comme une association transparente ?
Absolument. Notre budget 2019 est de 5M €. 90% de notre budget de fonctionnement provient des 36 685 membres de L214 à jour de leur cotisation. D’autre part, l’aide que nous avons perçue d’Open Philanthropy Project permet de mieux rémunérer les 70 salariés de l’association L214. Chez nous, tout le monde, quel que soit son statut, perçoit 2 000€ mensuels nets.
Véronique Méheust estime que la France a fait beaucoup d’efforts, pour le bien-être animal, dans le monde de l’élevage. Vous souscrivez ?
Sept poules sur 10 sont élevées en cage. Nous avons récemment dénoncé les conditions faites aux lapins, élevés sur des sols grillagés, dont la gestation des femelles est accélérée, etc. Les queues des porcelets sont coupées à vif de façon systématique alors que l’Europe recommande une pratique exceptionnelle. On pourrait continuer longtemps ainsi.
Véronique Méheust prétend que ce que vous dénoncez est un phénomène marginal…
Malheureusement non. Ce que nous montrons est représentatif de la réalité.
Elle évoque l’agressivité des végans et des végétariens…
Nous ne commettons aucun happening, ne déversons pas de faux sang et ne soutenons pas les actions menées contre les bouchers, c’est contre-productif. Paradoxalement, nos vidéos qui dénoncent maltraitances et violences donnent une image détestable de l’association. Ce qui est choquant, ce n’est pas le fait de filmer mais la réalité de la condition faite aux animaux. Elle est à l’opposé du monde dont nous rêvons
Êtes-vous antispéciste, autrement dit, considérez-vous qu’il n’y a pas de hiérarchie entre l’homme et l’animal ?
Oui, nous sommes antispécistes et souhaitons l’abolition de l’élevage. Nous rêvons d’une société où le rapport entre l’homme et l’animal ne sera plus basé sur l’exploitation mais la bienveillance. C’est un principe philosophique, nous savons que ça ne se réglera pas du jour au lendemain. Mais reconnaissons qu’il existe ou a existé des civilisations qui ne se nourrissaient pas d’animaux, donc cela est possible. En France, 63 % de l’alimentation contenue dans une assiette est d’origine animale, c’est beaucoup plus que dans les années 60. Nous sommes en 2e position après les Américains qui sont à 65 %.
Votre combat avance-t-il ?
Oui. 90 % des personnes interrogées sont contre les élevages privés de lumière par exemple. Il y a une prise de conscience de la souffrance animale même si cela ne se traduit pas forcément dans les actes de consommation. Mais un de nos combats, qui a des chances d’aboutir, c’est la fin de l’élevage des poules en cages. Des grandes surfaces s’engagent à cesser la commercialisation d’œufs qui en seraient issus donc la production suivra.
Les végans sont-ils carencés comme le prétend Véronique Méheust ?
Bien des sportifs de haut niveau sont végans. Des instituts diététiques constatent qu’un régime végétarien ou végan est sain s’il est bien mené. Seule, la vitamine B12 est recommandée aux végans en complément. Et puis, la première cause de mortalité, en Europe, ce sont les maladies cardio-vasculaires liées à une surconsommation de sucres et de gras, provenant notamment de la viande.