
Jean-Michel Bérégovoy, adjoint au maire de Rouen, est pressenti pour conduire la liste écologiste lors des élections municipales de mars 2020. (©Fabien Massin/76actu)
Le groupe écologiste et citoyen Décidons Rouen s’est officiellement lancé dans la campagne élections des municipales, jeudi 5 septembre 2019. Présents dans la majorité actuelle, aux côtés du maire socialiste Yvon Robert, ils ont bien l’intention d’arrêter de jouer les seconds couteaux pour prendre le leadership. Et en cette période de prise de conscience de l’urgence climatique, où les écolos n’ont jamais eu autant la cote, ils ont bon espoir d’y arriver.
Décidons Rouen n’a pas encore de candidat officiellement déclaré. Il sera annoncé en octobre. À la tête du groupe, Jean-Michel Bérégovoy, professeur des écoles, membre d’Europe écologie-les Verts (EELV) et adjoint au maire, détaille les perspectives de ce début de campagne.
« La tête de liste sera désignée en octobre », précise JM Béregovoy. @76actu pic.twitter.com/dFAPT5tRir
— Fabien Massin (@massinfabien) September 5, 2019
« Les gens sauront reconnaître les écologistes sincères »
76actu : Aucun « visage neuf » et « issu de la société civile » évoqué lors de la dernière rentrée politique n’a été présenté lors de ce départ en campagne pour porter votre liste, pourquoi ?
Jean-Michel Bérégovoy : Nous avons des instances à respecter, donc nous devons passer par un certain nombre d’étapes avant cela. Il est nécessaire d’échanger avec le groupe de citoyens avec lequel nous travaillons depuis longtemps. Ce que je peux dire, c’est qu’on a été les premiers à ouvrir largement notre liste. La plupart ne sont pas membres d’EELV et ne le seront pas demain. Nous souhaitons associer une grande partie de la société civile à l’enjeu municipal, pour soutenir cette liste, mais aussi construire le modèle qui servira de ligne directrice pour le débat de ces élections.
Quel est le profil de ces personnes que vous souhaitez rassembler ?
Nous avons quelques années pour répondre à l’urgence, partout dans le monde. Les personnes les plus à même, ce sont les gens qui défendent l’écologie réellement depuis des années. Ceux qui ont alerté, qui ont participé aux résistances, aux expérimentations et qui pensent qu’il est aujourd’hui temps de massifier. Eux, ont vocation à se retrouver sur une liste. Des écologistes, qu’ils soient issus du milieu associatif, politique, entrepreneurs ou autres. Je ne suis pas le meilleur écologiste de France parce que j’ai ma carte à EELV.
La place de l’écologie dans le débat médiatique, à l’instar des propos du premier candidat à s’être déclaré officiellement, Jean-Louis Louvel, laisse présager que ce thème sera central dans la campagne. Quel regard portez-vous là-dessus ?
Je les remercie tous. Les Louvel et tous ceux qui vont faire de l’écologie dans leur programme. Nous étions raillés pendant des années. Nous n’étions jamais assez bons, limite des soixante-huitards attardés… Aujourd’hui, ils nous donnent raison. La solution, ce sont les écologistes. Pas seuls : qu’ils viennent nous soutenir ! Les électeurs auront le choix entre un modèle et une copie pâle. Je pense que les gens ne se tromperont pas et sauront reconnaître les écologistes sincères.
On l’a bien vu après les dernières élections : tout le monde était plus écolo que nous. Il est possible que certains réalisent des propositions qui iront encore plus loin que les nôtres… Mais attention aux promesses intenables. Nous créerons les conditions pour que nos projets soient réalisables. On sait aussi qu’une fois la victoire obtenue, nous aurons beaucoup d’ennemis, parce qu’il va falloir rompre avec certaines habitudes.
Il faudra travailler avec les promoteurs, tout comme faire face aux lobbies qui viennent à la charge pour que les choses ne changent pas. Notre ville, nous l’aimons. Nous saurons nous mettre en danger quand il le faut, parce que l’enjeu est formidable et incroyable. On joue l’avenir des générations futures.
« L’urbanisation de la ville reste obsolète »
Quelles sont les principales mesures que vous défendrez dans cette campagne ?
Comment on adapte nos villes, comment on les rend résilientes face à l’urgence. Ça veut dire repenser la politique sociale, la politique de la ville, l’urbanisation, mais pas seulement en faisant des toits végétalisés [Jean-Michel Bérégovoy fait référence aux propos tenus par Jean-Louis Louvel, ndlr]. Il faut, par exemple, travailler sur la trame bleue, mettre en place des oasis urbaines, faire en sorte qu’elles fleurissent un peu partout pour adapter nos villes et nos vies.
Comment fait-on en sorte qu’il n’y ait pas de perdants, notamment chez les plus faibles ? Je parle souvent du 13e mois écolo : la facture d’énergie réduite grâce à l’isolation des logements, transports qui peuvent devenir gratuits, une cantine de qualité, locale à un prix abordable. Cela transforme la vie des gens et donne du pouvoir d’achat.
Pour cela, il faut que tout le monde adhère. On entend souvent que l’écologie est punitive et faite pour les bobos. Non, elle est pour tout le monde. Ce sera punitif si on ne fait rien. Il faut participer à la création d’un modèle planétaire. Modestement évidemment, on est Rouen pas New York.
« On a un retard fou »
Vous êtes adjoint sortant et votre groupe appartient à l’actuelle majorité municipale. Vous serez donc tributaire du bilan du mandat précédent. Comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?
Nous assumons complètement ce que nous avons réalisé avec nos camarades et nos amis [de Décidons Rouen, ndlr] : les quais bas rive gauche, l’appel à projets citoyens, la rénovation des serres du jardin des plantes, la mise en place de la politique de proximité ou encore les cantines en régie avec des produits locaux. Les gens qui vont à Rouen trouvent que c’est plus sympa, que ça bouge et je pense qu’on a largement contribué à cela. On a expérimenté, on a travaillé a une échelle intéressante, mais ce n’est pas suffisant.
On est passé de l’alerte à l’urgence. L’urbanisation de la ville reste obsolète par rapport à ce qui se fait ailleurs, mais ce n’est pas du fait de notre groupe. Ce n’est pas pareil d’être adjoint dans une minorité et d’être le maire. On s’exprimera sur l’Anru d’ici quelque temps, pour dire qu’il faut regarder ces questions complètement différemment.
On n’a pas su donner à notre ville, comme à Rennes ou Angers par exemple, un modèle bien plus vertueux. On a un retard fou et il va falloir qu’on le comble. Demain, il faudrait qu’on soit plus fort et plus nombreux pour pouvoir avoir un bilan très fort.
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« Je ne suis pas du genre à me défiler »
Est-il temps pour vous de s’émanciper du Parti Socialiste ou de continuer au sein d’une coalition ? Dans ce dernier cas, souhaitez vous prendre le leadership ?
On a toujours joué le premier tour. Il faut développer notre projet, notre programme, et après on verra ce qui se passera. Longtemps, on a dit de nous qu’on ne connaissait rien. Aujourd’hui, on connait les services. On a des gens qui sont capables de gouverner, gérer des budgets, des équipes et piloter le changement. On veut créer le rapport de force qui nous permettra d’avancer comme on le souhaite.
Nous allons travailler aussi à avoir un rôle important à la Métropole. Être premier magistrat d’une ville centre entraîne le reste. Ça a un rôle d’exemple pour la société, y compris auprès des maires qui hésitent à se lancer dans certaines politiques.
À propos du dérèglement climatique, les écologistes rouennais soulignent : « C’est dans les 5-6 ans qui viennent que l’action doit être extrêmement forte. » #Municipales2020 @76actu pic.twitter.com/g8bWD9xtIt
— Fabien Massin (@massinfabien) September 5, 2019
Rien n’a encore été annoncé, mais serez-vous celui qui portera cette liste ?
Mes camarades me le demandent. Je ne suis pas du genre à me défiler sur ce type de combat. Cela demande réflexion. J’ai vu que les sondages de popularité [commandés par d’autres camps politiques, Ndlr] avaient été assez bons. Je ne pense pas qu’il faille continuer la politique jusqu’à 70 ans, mais j’en ai 53 aujourd’hui, ça va. J’ai réfléchi longtemps à ma succession, j’étais plutôt sur cette voie là, mais chacun doit prendre ses responsabilités.
Je ne fais pas de flagornerie. Je suis instit’. Je travaille en zone Rep+ [réseau d’éducation prioritaire, ndlr]. Je me mets à ma place. On n’a pas une minute à perdre. Avec mes amis, j’ai acquis la compétence pour agir.