
Personne ne sait où se trouve les deux frères. Peut-être en Algérie ? La mère, de Cléon, dans l’agglo d’Elbeuf, ne sait plus où chercher… (©DR)
Cela porte officiellement le nom « d’enlèvement parental ». Pour Agnès Lesale, 42 ans, de Cléon, dans l’agglo d’Elbeuf, il s’agit d’un drame sans nom.
Dévastée et submergée par l’émotion, elle tente de raconter avec la plus grande précision les faits de cette impensable situation. Il faut dire qu’à deux reprises, elle a déjà dû expliquer son histoire à la police. Une première fois pour une main courante, et une seconde fois, deux mois plus tard, pour un dépôt de plainte.
« J’ai tout de suite compris qu’il y avait un problème »
En 2010, Agnès Lesale rencontre Djamel B. Ils tombent amoureux. Un an plus tard, ils décident de se marier. La même année, Shakib, leur premier enfant voit le jour. Deux ans plus tard, son petit frère Bilel naît à son tour. Plus récemment, des jumeaux sont venus compléter la famille.
Mais entre-temps, la relation entre Agnès et Djamel s’est largement dégradée. « Il ne m’a jamais frappée. Mais il me rabaissait constamment. Me mettait plus bas que terre », décrit-elle, avec lucidité, aujourd’hui.
Ils se séparent en avril 2018. Maître Karouby-Suganas, l’avocate de la Cléonnaise, demande la garde exclusive des enfants pour sa cliente. Mais, détail important, l’ordre ne sera prononcé par le juge que bien plus tard.
Lire aussi : Journée internationale des enfants disparus : Toulouse, toujours sans nouvelles du petit Habib
Malgré cela, Agnès autorise son ex-mari à prendre les enfants de temps en temps. « C’était un arrangement entre nous. Il venait les récupérer un week-end, parfois. »
Le 9 février de cette année, Djamel vient récupérer les deux aînés. Il doit les ramener le 12 février. Il ne fera jamais.
Dès le 13, la mère se précipite au commissariat.
J’ai tout de suite compris qu’il y avait un problème. Il m’avait déjà fait le coup en septembre 2018. Il avait mis deux semaines après la date prévue pour me ramener Shakib. »
Délai rédhibitoire
Pas de convention d’extradition
Agnès Lesale pense qu’actuellement ses enfants peuvent se trouver en Algérie. Or, comme confirmé par son avocate, maître Karouby-Suganas, il n’existe pas de convention d’extradition, pour les enfants, signée entre la France et l’Algérie. Même s’il en existe une avec le Maroc et la Tunisie.
Une absence qui touche particulièrement Agnès, qui se sent « désarmée », et surtout « sans aucune solution ».
Problème, au commissariat, les policiers ne prennent qu’une main courante. Pas de plainte. « Il me manquait l’ordre du juge qui disait que j’avais la garde exclusive. Les policiers me l’ont demandé. Mais l’ordre n’avait pas encore été prononcé », se désole-t-elle.
« La police m’a dit d’attendre. » Le temps que la justice produise ce document, deux mois se sont écoulés. Durant ces quelques semaines, elle est allée à l’ASAE (accueil solidarité de l’agglomération d’Elbeuf) qui logeait le père des enfants. Mais il a disparu sans donner davantage d’informations et personne ne sait où il est parti.
« L’inspection d’académie est partie à la recherche des enfants »
Finalement, « l’ordonnance est arrivée le 4 avril. Le lendemain, je suis retournée au commissariat. » Elle dépose plainte. Et transmets tous les éléments importants : les adresses des proches en France de son ex-mari, les numéros de téléphone… Les policiers vont visiter ses différents lieux mais reviennent bredouilles à chaque fois. « J’ai donné également son numéro de plaque », pas plus de succès à ce niveau-là.
Même malgré le concours de son beau-frère, amateur de CB (la radio des routiers), qui a prévenu tous les routiers par ce biais. Les enfants sont introuvables.
À partir du mois d’avril, l’inspection d’académie est partie à la recherche des enfants, mais ils sont inscrits nulle part en France. Dans aucune académie. Ils ne sont pas scolarisés du tout. »
« Ils sont sans doute en Algérie », déplore Agnès. Le père, Algérien, a une partie de sa famille dans ce pays. Du côté de la ville de Nedroma, dans l’Ouest.
Surtout, Agnès pense avoir fait une « erreur ». « Je lui ai donné les cartes d’identités des enfants ». « Je suis en colère contre moi », glisse-t-elle, la gorge serrée.
Grâce à ces cartes d’identités, le père aurait pu faire un duplicata des passeports des enfants pour se rendre en Algérie. Depuis, la police a émis une interdiction de sortie du territoire à l’encontre de Djamel B. et les enfants sont inscrits au répertoire des enfants disparus. Un avis de recherche a été lancé. La police a également noté que le père était radié de Pôle Emploi ainsi que de la CAF.
Jumeaux
« Je peux juste attendre… Je ne sais plus par où chercher », déplore la mère, désarmée. « J’ai tout de suite compris qu’il y avait un souci grave », se souvient-elle.
Quand j’appelais sur son portable ça ne sonnait plus. Il a changé de numéro. J’ai appelé sa mère, mais elle m’a dit qu’elle ne me connaissait pas, alors que je passais tous les étés chez elle, et le lendemain, elle avait changé de numéro »
« Le plus dur c’est pour les jumeaux. Leurs grands frères jouaient avec eux. Et puis je crois que les enfants ont besoin de leur maman », précise la Cléonnaise.
Les jumeaux, âgés de quatre ans, se trouvent être atteints d’autisme. Le quotidien n’est pas simple, et pour eux, Bilel et Shakib constituaient un point d’équilibre primordial. « Il y avait un truc fondamental entre eux. »